Viviane et Merlin

Merlin avait pour habitude de se retirer au sein de la forêt profonde. Là, il retrouvait la vie sauvage d’avant. Il endossait la forme de tous les animaux et pouvait ainsi se déplacer sans être vu.

Il écoutait le souffle des arbres, devisait avec les korrigans au pied du grand chêne, parcourait les sentes, les collines et les vallons, sans jamais se fatiguer.

Parfois, brièvement il retournait dans le monde des humains, distribuer sa magie ou ses prophéties, mais toujours il revenait, auprès de son ami Blaezh, le moine solitaire, son oreille la plus fidèle.

Un jour, qu’il marchait sur le sentier, il est attiré comme par un aimant, vers une fontaine. Là entre les feuillages, il a aperçu une jeune femme se baignant, nue, dans l’eau claire. Sa peau blanche, l’éclat de ses cheveux, ont fait battre son cœur plus que de raison. Lui qui, depuis des années avait renoncé à l’amour, s’est retrouvé pris au piège de ses émotions.

Pourtant, pourtant, il savait…

La demoiselle n’était pas farouche, est entrée en conversation. Ils ont échangé leurs noms, mais Merlin s’est bien gardé de dire qui il était vraiment !

Viviane, c’était son nom, était curieuse, intéressée, vive et comprenait vite. Nymphe ou petite fée des eaux ? Elle jouait de son charme. Et chaque fois qu’il quittait la vie des hommes, il revenait dans la forêt pour y rencontrer Viviane et sa jeunesse pétillante. Ainsi de rencontres en rencontres, Merlin s’est laissé aller à la confiance.

Pourtant, pourtant…

A chaque rendez-vous, il lui a montré un de ses tours : comment faire jaillir une source, comment faire éclore les œufs, comment faire pleuvoir… Puis quelques charmes légers qui venaient consolider ceux qu’elle connaissait déjà. Comme elle préférait la vie de la forêt et des eaux, il lui a bâti un palais de verre sous le lac. Elle a pu ainsi y vivre sans souci et loin des hommes.

Mais quand Viviane a compris qui il était et la puissance de sa magie. Elle a tissé sa toile. Elle a voulu en savoir toujours plus, posséder toutes ses recettes.

Merlin a bien tenté de résister mais c’était lui qui était possédé :

S’il voulait son pucelage, il devait lui révéler le charme d’endormissement ! Pour se protéger de son père qui, s’il savait qu’elle se donnait à un homme… la tuerait sûrement.

Merlin n’était pas dupe… et pourtant, pourtant.

Il lui a appris le sort, dont elle s’est servie à chaque fois qu’il venait. Elle le tenait ainsi sous sa coupe.

Et un jour, elle a voulu connaitre comment on enferme un lieu sans que personne puisse en sortir, ni même y entrer, prétextant qu’elle voulait protéger son palais de verre, sous le lac.

Merlin n’était pas aveugle, il savait ce qu’elle ferait de ces nouvelles connaissances. Mais l’amour l’avait ensorcelé ! Il lui a montré comment tourner neuf fois autour du lieu.

Il savait que c’était la dernière étape, il savait… Mais l’amour fou vous fait perdre toute raison !

Un jour, elle l’a fait entrer dans son chateau de cristal, elle l’a endormi au plus profond du palais, sur un lit de paille, elle a barré la porte puis elle est sortie.

Et elle a fait neuf fois le tour du lac !

Dans un éclat de rire, elle a entamé, une danse folle, ravie du tour qu’elle avait joué à son vieil amant. Maintenant, elle connaissait tous ses plus grands secrets. L’avenir lui appartenait, à celle qu’on appellerait désormais La Dame du lac !

On dit que Merlin serait toujours là, sous le lac, son âme immortelle veille sur la forêt, essayant de la sauver de la bêtise des hommes. Mais pour eux, les hommes, il ne peut plus rien faire !

Maïck Conteuse 05-2023